Le Projet de loi 8 et le renforcement de la responsabilisation municipale
Paul Dubé
Ombudsman de l'Ontario
Réunion du printemps, Municipal Integrity Commissioners of Ontario
Vaughan, Ontario
26 avril 2016
1Thank you so much for inviting me to speak to you today.
2Merci de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui. J’apprécie énormément cette opportunité de parler de mon rôle en tant qu’Ombudsman et la relation mutuellement bénéfique que j’espère cultiver avec vous.
3Je dois avouer que je ressens un peu d’appréhension, car c’est la première fois que je prends la parole officiellement en public, en tant qu’Ombudsman de l’Ontario. Accorder une série d’entrevues aux médias durant ma première semaine en poste a été une chose, mais parler à toute une salle d’avocats spécialisés dans la responsabilisation municipale est une bien autre chose.
4C’est du déjà vu, une fois de plus, car ma première allocution en tant qu’Ombudsman des contribuables a été un discours d’ouverture au congrès annuel de plus de 400 comptables agréés. Le message que je leur ai livré était similaire à mon message d’aujourd’hui : nous pouvons nous aider mutuellement, en travaillant de manière collaborative.
5Alors, je suis réconforté de nous savoir tous collègues – sinon partenaires – dans le même secteur, notre rôle étant de garantir que les gouvernements municipaux travaillent dans la transparence, avec le sens de l’éthique et le souci de la responsabilisation.
6Et vous devriez être réconfortés de savoir que je fais la promotion de votre secteur! Mon Bureau continue d’encourager les municipalités à nommer leurs propres agents de responsabilisation, dont des commissaires à l’intégrité.
7Nous partageons des buts et des objectifs très similaires, et certains aspects de nos processus sont les mêmes. Nous partageons aussi beaucoup d’enjeux identiques – entre autres la nécessité de faire face aux grandes attentes du public, ainsi qu’à une certaine confusion quant à notre rôle.
8J’espère donc que nous allons pouvoir travailler en collaboration, au service de la population des municipalités ontariennes, et par extension de toute la province.
9Avec l’adoption du Projet de loi 8, nos défis se sont accrus, mais de manière positive. La demande – tout comme l’appréciation – du public pour les services des commissaires à l’intégrité est plus forte que jamais depuis 2008, quand la Loi sur les municipalités a autorisé pour la première fois leur création. En même temps, alors que les communautés travaillent pour répondre à cette demande partout dans la province, les discussions se multiplient sur la manière dont le travail des commissaires à l’intégrité et celui de l’Ombudsman se chevauchent, et même sur la réelle nécessité des deux fonctions.
10Même avant que notre surveillance ne s'étende concrètement aux municipalités, le 1er janvier, la réponse de notre Bureau à cette question a été un oui catégorique. Ma collègue Barbara Finlay, qui a eu la tâche considérable de piloter l’entrée en vigueur de notre nouveau mandat, conformément au Projet de loi 8, à titre d’Ombudsman intérimaire, a répété maintes fois que notre Bureau serait là pour appuyer le rôle des agents locaux de responsabilisation, pas pour les remplacer, ou refaire leur travail.
11J’ai continué à marteler ce message depuis le tout premier jour de mon entrée en fonctions. Et c’est pour moi un honneur tout particulier de m’adresser à vous aujourd’hui, car je crois que c’est un moment idéal pour nouer et consolider des relations entre nos organismes respectifs.
12Nous avons une autre chose en commun : et c’est 2008, la date que j’ai mentionnée. Ces changements à la Loi sur les municipalités ont aussi propulsé notre Bureau dans le secteur municipal, pour la toute première fois, en faisant de nous l’enquêteur par défaut sur les plaintes à propos des réunions municipales à huis clos. Je sais que certains d’entre vous ont été engagés par des municipalités pour remplir ce rôle à la place de l’Ombudsman, tandis que quelques-uns de vous ouvraient la voie à titre de premiers commissaires à l’intégrité.
13Je n’ai pas eu le plaisir de connaître ces premiers jours, mais ma collègue Mme Finlay et beaucoup de membres de mon personnel les ont vécus. Et comme elle l’a dit très franchement dans son discours à la conférence de la ROMA en février, le contexte n'était pas idéal pour familiariser les municipalités au rôle du Bureau de l’Ombudsman.
14En fait, j’ai appris que la possibilité d’un processus de plaintes sur les réunions à huis clos a été abordée pour la première fois il y a plus d’une décennie, et l’idée était alors de confier cette responsabilité au Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée, qui est comme moi un officier de l’Assemblée législative. Je vois que M. Beamish est parmi nous aujourd’hui, alors Brian, si vous avez toujours envie d’assumer ces responsabilités, je suis prêt à vous en parler.)
15Outre les difficultés qu'il y avait à expliquer au public pourquoi nous avions un rôle d’enquêteur dans certains lieux, mais pas dans d’autres, le rôle qui nous était alloué ne nous convenait pas naturellement. Il contraignait notre Bureau à s’en tenir à des questions de loi strictes – à savoir si les règles des réunions publiques étaient suivies ou non; rien de plus.
16Ceci va complètement à l’encontre du travail que fait un bureau d’ombudsman normalement, et du travail dans lequel notre Bureau excelle, c’est-à-dire régler la plupart des plaintes officieusement. Nous agissons beaucoup en coulisses, pour humaniser le gouvernement et éliminer les sources de friction pour le public. Nous cherchons des solutions simples et sensées pour remédier aux problèmes, généralement sans devoir recourir à une enquête officielle.
17Malheureusement, beaucoup de gens ont mal compris ce qu’était notre rôle d’enquêteur sur les réunions à huis clos – ou ont eu l’espoir, ou la peur, selon votre point de vue – qu'il consistait à faire régner l’ordre parmi les conseils locaux. Or ce n’est pas du tout ce que nous faisons.
18Nous avons encore une autre chose en commun : je suis convaincu que beaucoup d’entre vous se trouvent confrontés à des attentes erronées en ce qui concerne leur rôle. Je vois un fort potentiel de collaboration entre nous pour s’attaquer à la question, afin que le public comprenne clairement quelle aide nous pouvons apporter et quels types de problèmes nous pouvons régler.
19Mes deux priorités principales en tant qu’Ombudsman sont les suivantes : 1) établir et maintenir des relations productives et pertinentes et 2) sensibiliser et mobiliser les parties prenantes par des activités de liaison. Vous le savez, nous pouvons tous réduire et même prévenir les plaintes, par un travail d’éducation. Et puis, au moins, un citoyen mieux informé est un plaignant plus réaliste.
20Je crois que nous avons tous, dans nos capacités respectives, le devoir continu d’informer et de conseiller les parties prenantes quant à leurs responsabilités, avant que les plaintes ne soient portées.
21Disons-le clairement : nous avons constaté que notre travail de promotion des réunions publiques a conduit à de nombreux avantages. Nous avons traité des centaines de plaintes et nous avons aidé des conseils municipaux partout dans la province à garantir que leurs pratiques de réunions étaient ouvertes, transparentes et conformes à la loi. Nous avons préconisé tout un vaste ensemble de recommandations pour toutes sortes de situations concernant les réunions à huis clos et bien sûr nous avons beaucoup appris au sujet des municipalités et de leur manière de fonctionner. Actuellement, nous préparons une base de données interrogeable regroupant toutes les enquêtes de notre Équipe d’application de la loi sur les réunions publiques (OMLET), qui devrait s’avérer utile et informative.
22(À mon avis, une plaisanterie court peut-être au sujet des municipalités qui se voient contraintes de marcher sur des œufs quand elles ont affaire à OMLET, mais ce n’est pas du tout l’atmosphère que nous souhaitons encourager.)
23Toutefois, disons à juste titre que si nous en avions eu le pouvoir, nous aurions préféré que le Projet de loi 8 entre en vigueur tout d’abord, et que notre rôle d’enquêteur sur les réunions publiques vienne ensuite. Il est regrettable que pour beaucoup d’intervenants du secteur municipal – entre autres pour beaucoup d’entre vous – le premier contact avec le travail de l’Ombudsman se soit fait dans le cadre d’un processus rigide et officiel d’application de la loi sur les réunions publiques. Ce rôle ne permet tout simplement pas à un bureau d’ombudsman de faire valoir ses forces.
24Dans tout le reste de notre travail, nous cherchons d'abord à régler systématiquement les problèmes de manière informelle. Nous ne sommes pas là pour trouver des fautes, mais des solutions. Nous ne sommes pas là pour nommer, humilier et blâmer, mais pour contribuer à améliorer les services que le gouvernement offre à notre public. Nous nous efforçons d’être un agent de changement positif.
25Parfois, nous le faisons grâce à des enquêtes et des rapports officiels, mais dans la vaste majorité des cas, nous apportons une aide informelle, simple, rapide et efficace.
26Avec le Projet de loi 8, nous pouvons maintenant offrir aux parties prenantes du secteur municipal les mêmes services que ceux fournis aux dizaines de milliers de gens qui se plaignent à nous, chaque année, à propos des organismes du gouvernement provincial. Les répercussions positives de cette approche sont déjà apparentes, et j’aimerais vous donner quelques détails.
27Depuis le 1er janvier, nous avons reçu plus de 1 100 plaintes à propos de municipalités. Combien d’enquêtes officielles avons-nous ouvertes? Jusqu’à présent aucune.
28Je suis heureux de pouvoir vous dire que la vaste majorité de ces plaintes ont été réglées de manière rapide et informelle – généralement en aiguillant les gens vers les systèmes locaux pertinents. Dans certains cas, nous avons eu recours à l’outil classique de l’Ombudsman, soit à la « diplomatie de la navette » : après quelques appels téléphoniques ou quelques demandes informelles aux autorités municipales concernées, nous avons pu régler les problèmes à la satisfaction de tous.
29Les plaintes nous sont parvenues de toute la province – soit d’environ 240 municipalités jusqu’à présent. Comme prévu, les sujets étaient très divers, allant de plaintes à propos des services, comme la collecte des déchets ou le déneigement, à des allégations de conflits d’intérêts parmi les membres du conseil.
30Nous avons déjà beaucoup de bons exemples de règlements informels. Ainsi, il y a à peine quelques jours, un membre de notre personnel a aidé un jeune homme de 16 ans, qui était sans-abri, à obtenir des fonds d’Ontario au travail, alors que sa demande avait été rejetée au palier municipal. Nous sommes aussi venus au secours d’un homme âgé qui avait de longue date un problème de déneigement du trottoir, devant chez lui. Il a suffi de quelques appels téléphoniques passés par notre personnel pour déterminer que sa propriété avait été éliminée de l’itinéraire de l’équipe de déneigement, par inadvertance.
31Toutefois, le sujet le plus courant des plaintes jusqu’à présent, ce sont les conseils municipaux. Cette catégorie comprend les plaintes à propos des membres des conseils et de leur conduite, des politiques et des décisions des conseils (en général, nous ne nous mêlons pas de ces questions), ainsi que des communications et des conflits d’intérêts.
32Je suis certain que votre groupe n'en sera pas surpris. Pour que tout soit clair, voici la liste complète des « 10 premiers sujets » de plaintes à propos des municipalités :
- 1. Conseil/comités
- 2. Électricité
- 3. Application du règlement municipal
- 4. Ontario au travail
- 5. Police
- 6. Logement
- 7. Eau/égouts
- 8. Planification/zonage
- 9. Service à la clientèle
- 10. Infrastructure
33Bon, je présume que ce que vous aimeriez vraiment savoir, c’est combien de plaintes nous avons reçues à propos des commissaires à l’intégrité. La réponse est sept au total, jusqu’à aujourd’hui. Si nous ajoutons les plaintes sur d'autres agents de responsabilisation municipale, comme les vérificateurs généraux et les ombudsmans, le total atteint 10.
34Comme je l’ai mentionné, nous n’avons pas encore ouvert d'enquête municipale officielle. Tout comme pour les autres plaintes que nous recevons, quand nous recevons ce type de plaintes, nous déterminons tout d’abord si elle peut être réglée localement.
35Depuis le début de l’élargissement de notre mandat, notre Bureau souligne clairement que nous encourageons les municipalités à mettre en place leurs propres agents de responsabilisation et des processus clairs de traitement des plaintes. Nous sommes un lieu de dernier recours, qui a pour rôle de veiller au bon fonctionnement des mécanismes locaux et de recommander des moyens de les améliorer.
36C’est exactement ce que nous faisons au niveau provincial depuis plus de 40 ans. Nous ne rouvrons pas les enquêtes des organismes d’enquête provinciaux, ni les dossiers des tribunaux administratifs. En revanche, nous examinons les mesures d’action qu’ils ont prises et nous recommandons des réformes le cas échéant. De plus, nous faisons un suivi des tendances de plaintes graves et récurrentes et nous intervenons au besoin pour remonter jusqu’aux sources des vastes problèmes systémiques.
37Nous ferons de même avec les municipalités. Si nous ouvrons une enquête officielle, au sujet d’un problème individuel ou d’un problème systémique, la municipalité recevra un avis officiel, tout comme en reçoivent les organismes provinciaux.
38Je peux vous garantir que nous garderons la municipalité informée – il n’y aura pas de surprises. En tant qu’Ombudsman chargé de promouvoir l’équité procédurale, j’ai toujours eu le souci d'agir équitablement. Les parties en cause sont en droit de savoir ce que nous examinons et d’avoir amplement la possibilité d'exprimer leurs commentaires, ainsi que d'obtenir une explication sur les raisons de toute décision.
39Jusqu’à présent, nous avons remporté un succès considérable avec ce processus informel. Pour qu'il n'y ait pas de surprise, laissez-moi vous dire rapidement comment ce processus fonctionne.
40Quand nous recevrons une plainte à propos de la conduite d’un membre du conseil, pour un conflit d’intérêts par exemple, nous vérifierons tout d’abord si la municipalité a un code de conduite et un commissaire à l’intégrité. Si oui, nous aiguillerons le plaignant vers vous.
41Si c’est une question dont vous vous occupez, nous n’interviendrons pas. Si c’est une question que vous avez examinée – ou pour laquelle vous refusez d’enquêter – alors nous étudierons les circonstances du problème et vos raisons.
42Pour être plus précis, disons que nous déterminerons si vous avez agi conformément à la loi, examiné les problèmes et les renseignements pertinents, et donné suffisamment de raisons pour justifier votre décision.
43Nous avons déjà effectué quelques examens de ce genre et nous avons pu conclure assez rapidement que les mesures d’action des commissaires à l’intégrité concernés étaient raisonnables.
44Mais nous pouvons aussi intervenir afin de contribuer à améliorer le processus pour toutes les parties prenantes. En voici un exemple : une personne qui était membre du conseil a porté plainte car elle n’avait pas été informée que le rapport du commissaire à l’intégrité sur sa conduite serait discuté en réunion publique. Notre personnel a fait des demandes informelles auprès de la municipalité, et celle-ci a convenu de fournir des renseignements plus clairs sur la façon dont fonctionne le processus et sur ce à quoi devraient s’attendre toutes les parties intéressées.
45Nous avons traité des plaintes à propos de membres du conseil dans des municipalités où il y avait un code de conduite, mais pas de commissaire à l’intégrité – et dans des municipalités où il n’y avait ni l’un ni l’autre. Une fois encore, bien que chaque cas et chaque municipalité soient différents, nous encourageons systématiquement la mise en place de commissaires à l’intégrité, de codes de conduite et de processus clairs de plainte. Nous n’avons pas encore mené d’enquête officielle, mais quand nous le ferons, je n’hésiterai pas à recommander aux municipalités qu’elles prennent ces mesures pour améliorer la responsabilisation locale.
46Ceci m’amène à évoquer l’autre type de travail pour lequel notre Bureau a des compétences tout à fait uniques – les vastes enquêtes systémiques sur des problèmes qui ne relèvent ni de votre mandat, ni de celui d’autres responsables locaux. Nous surveillons les problèmes que nous détectons dans la province, en restant à l’affût des tendances – surtout les problèmes qui peuvent se reproduire d’une municipalité à une autre. Nos pouvoirs d’enquête nous permettent d'aller là où les agents locaux de responsabilisation ne le peuvent pas – et si nous découvrons que les problèmes concernent des organismes relevant de notre mandat provincial, nous avons aussi la possibilité de nous en charger.
47J’espère que ceci vous donne une bonne idée de ce que nous avons fait jusqu’à présent dans le cadre de notre nouveau mandat, et de l’approche que j’ai l’intention d’adopter à son sujet. C’est une époque passionnante, pas uniquement pour moi en raison de mon nouveau rôle, mais pour nous tous, car le Projet de loi 8 marque vraiment le début d’une nouvelle ère de responsabilisation pour les gouvernements locaux.
48Je crois qu'il faut trouver des solutions gagnant-gagnant-gagnant et il me semble que le Projet de loi 8 nous offre à tous cette possibilité. La demande croissante du public pour une responsabilisation locale est un facteur gagnant. La prolifération des commissaires à l’intégrité, des vérificateurs généraux et des ombudsmans locaux est un facteur gagnant. L’élargissement du mandat de mon Bureau est un facteur gagnant. Et les gagnants sont tous les citoyens pour lesquels nous travaillons.
49Chacun de vous ici présent a un rôle à jouer pour développer cet important secteur de droit administratif et pour améliorer la gouvernance municipale pour les Ontariens. Je me réjouis à l’idée de travailler avec vous dans ces domaines.
50Une fois de plus, j’aimerais vous remercier de cette occasion de vous rencontrer et de vous parler aujourd’hui. J’espère que mes propos vous permettront de mieux comprendre non seulement le rôle de mon Bureau, mais aussi la manière dont nous souhaitons nous acquitter de ce rôle.
51Et maintenant, je me ferai un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir.